Violence ou non violence ?

Extraits de « La monnaie de leur pièce. Pleins feux sur le capital et la monnaie de leur piècel’État. » Écrit par Jean Rat aux Éditions Libertaires

Violence ou non violence ?
Encore un débat pipé et stupide. Ce qui nous fait violence, ce qui nous viole, c’est ce que qui nous est imposé malgré nous. Le patriarcat, l’État, le Capital, sont les institutions de la violence érigée en système.

Plutôt que de nous enfermer dans un discours idéologique de la « nonviolence« , ou d’assumer à l’inverse un choix idéologique de « violence« , commençons à mettre en pratique une autodéfense pragmatique.

Refuser la violence exercée contre nous est la première des légitimités, peut être bien la seule. Et cette autodéfense est d’autant plus efficace quand elle est collective, quand nous nous serrons les coudes.police partout

Être dans l’attention et la présence à soi développe l’attention et la présence aux autres. La plus aboutie des violences, c’est celle que l’on tolère sur soi-même, sur nous-mêmes. Ce qui nous fait crever à petit feu, c’est notre résignation à la violence subie, à la violence que l’on se sent contraint de s’infliger, et qu’on rebalance sur les autres comme un trop plein.

Rendre les coups qu’on nous porte est une attitude digne et légitime, dont ce monde manque désormais cruellement ; mais elle est au final épuisante, lorsqu’elle occupe toute notre attention, lorsque le ressentiment et la vengeance prennent toute la place.

Il s’agit peut être plutôt de rendre la violence inopérante, en cessant de nous avancer vers elle comme des cibles expiatoires et des martyr.e.s.
N’être pas là où la brute civilisée frappe, ou alors pour la déborder, la pousser dans le dos, rire sans haine de sa preuve de bêtise.

UN chef n’est jamais plus désemparé que lorsque nous lui disons non, que nous lui manifestons qu’il n’a plus prise ni emprise sur nous, que nous n’avons plus peur.

Considérer nos vies comme une jeu permanent, une aventure raffinée, désarme la morgue des réflexes militaires qui nous colonisent. Construire une autodéfense collective dans un projet d’affirmation est plus pertinent que de revendiquer la violence ou la non violence (…)

Contre la logique de domination, qui est la même que celle de la soumission résignée, la désobéissance est le premier des appels. La désobéissance personnelle ou mieux encore, collective, pèse ses forces, les risques encourus, ce qu’il est possible de faire et de qu’il est préférable de remettre à plus tard, le temps de peaufiner une bonne farce rageuse. Là aussi, l’intelligence collective, la ruse et l’organisation sont un atout important.
(…)
Comme le disait Emma Goldman, il n’y a pas de révolution sans art de la danse. L’anarchisme critique n’est pas une fin en soi. Il est une inclination cultivée de l’affirmation, de la puissance d’agir, d’un goût de vivre balayant résignation et tristesse, d’une joie à laquelle il devient difficile de renoncer une fois qu’on y a goûté. Un rire contagieux, faisant vaciller les trônes, éveillant les cœurs qui grondent de vie.

Extraits de « La monnaie de leur pièce. Pleins feux sur le capital et l’État. » Jean Rat aux Éditions Libertaires

5 réflexions sur « Violence ou non violence ? »

  1. Wahou je viens de dénicher un superbe blog intitulé « Violence, parfois oui… » sous titré « La violence est parfois un moyen d’action et de résistance légitime »
    Je vous laisse juger par vous même https://violenceparfoisoui.wordpress.com/

    J’ajoute un grand merci au site « Le Partage » qui m’a fait découvrir ce blog via cet excellent article de Thierry Sallantin « Les peuples contre l’état – 6000 ans d’évolution totalitaire » :http://partage-le.com/2015/07/les-peuples-contre-letat-6000-ans-devolution-totalitaire-thierry-sallantin/

  2. Petites réflexions sur « Comment dépasser le débat violence/non-violence en préférant parler de Bienveillance » :

    La non-violence définie une philosophie/stratégie en négatif : on ne veut pas être violent. Mais que veut-on ? La Bienveillance se définie positivement : on « veille au bien ». Cela nous demande d’être clair sur ce que l’on veut, et pas sur ce que l’on refuse. C’est bien plus inspirant.
    Parler de bienveillance permet questionner les choix stratégiques de nos alliés et de nous même en « veillant au bien », c’est à dire en s’efforçant de voir le bien, et de chercher comment l’étendre. Permet de voir ce qui fonctionne plutot que ce qui ne fonctionne pas, ce qui nous rapproche de nos alliés plutot que ce qui nous en distingue.
    Mettre le débat entre méthodes violentes/non violente, c’est placer le débat de la violence dans notre camps, alors que la violence doit systématiquement être pointée vers le système qui en produit le plus. Parler de bienveillance, se demander si nous le sommes, permet de mettre le système en porte à faux vis à vis de ce qu’il défend : quel « bien » veut-il ? Comment le défend-il ?
    Un moindre mal (un mal permettant d’éviter un mal plus grand) est un bien (Spinoza, Ethique). Parler de « bienveillance » permet d’envisager le recours à des méthodes pouvant être considérées comme violentes, à condition de veiller à ce que ce mal (le recours à la violence par les militants) soit inférieur à celui qu’il permet d’éviter (la violence structurelle du système). En d’autres termes, une violence permettant d’éviter une violence plus grande est une non-violence.
    La non-violence est une posture morale violente, car elle exclue, stigmatise, dénonce les personnes qui luttent, à leur manière, contre un système infiment plus violent ( https://violenceparfoisoui.wordpress.com/2012/12/18/gelderloos-nonviolence-fr-chapitre2/ ). Se demander si nous avons été bienveillant (au lieu de non-violent), permet de penser stratégiquement sur l’adéquation entre nos fins et nos moyens.

  3. «
    Notre force ne naîtra pas de la désignation de l’ennemi, mais de l’effort fait pour entrer les uns dans la géographie des autres.
    » (à nos amis)

    certes il y a qq connards à qui on mettrait bien qq fessées, mais erreur de les viser (uniquement), essayer plutôt de voir comment l’éducation, les rapports entre nous, habitudes, milieu culturel nous font continuer dans ce rapport dominants/dominés

    faux-débat = violence/non-violence ?
    vrai débat = comment se «rencontrer» entre classes/différences pour taper collectivement dans le status-quo (avec et/ou sans casse)

    PS: cool l’extrait «monnaie de leur pièce», j’injecte dans http://utopies-concretes.org !

  4. Le texte ci dessous réagit au récit de l’expulsion ultra violente d’un squat à Montreuil (à lire ici http://fr.squat.net/uploads/2015/10/2015-10-27_Montreuil_LaRenardiere_solidarite.jpg).
    Ce sera aussi, par la même occasion, ma participation au débat « Violence/Non violence ».

    Cette expulsion ultra violente est révoltante, et le mot est faible!!!…
    Je crois que s’il y a eu tabassage, inacceptable, bien évidemment, flagrante violence d’état au service d’un ordre bourgeois à bout de souffle, mais qui se cramponne à son pouvoir par tous les moyens, y compris les pires, c’est parce que les squatters ont eu « l’outrecuidance » de résister, et donc de « faire perdre du temps » à ces malheureux policiers entretenus par nos impôts!…. Ils se sont en fait vengés de ce que les squatters leur avaient rendu la tâche difficile… Dans leur délicat langage fleuri qu’on imagine aisément: « parce que les squatteurs les avaient fait ch… »…
    Au squat le Transfo, si mon info est bonne (Je n’étais pas sur Paris à ce moment là) quand ils ont été expulsés, il y a bien eu garde à vue pour les habitants du squatt, mais pas de brutalité de ce genre, parce qu’ils n’ont pas résisté (autant que je sache, encore une fois)
    Ceci est une explication qui se voudrait objective, de ces violences.

    Que faire de cette conviction, qu’en conclure?
    C’est que si la violence d’état a toujours existé (Il suffit de penser en France, par exemple, à tout ce qui s’est passé sur notre territoire métropolitain pendant la guerre d’Algérie, puis, 16 ans plus tard, à Creil Malville, la nouveauté, aujourd’hui, me semble-t-il, c’est que cette violence d’état est devenue systématique, ininterrompue, que l’opposition soit pacifique (Résistance passive, comme là, à Montreuil) ou pas.
    D’ailleurs, à Creil Malville, quand Vital Michalon est mort, certaines sections de gardes mobiles ont « mis la crosse en l’air ». Ça ne s’est pas produit à Sivens, quand Rémi a été tué…
    Ayant environ 4 décennies d’engagement politique et de manif derrière moi, mes souvenirs personnels me confortent dans cette conviction: le grand tournant, me semble-t-il, c’est quand Sarkozy est devenu ministre de l’intérieur: là, la police, en tout cas les robocops, a commencé à avoir l’ordre de taper, même contre des manifestants assis tranquillement dans l’herbe après dispersion de la manif: essayer de dissuader la contestation par la peur des représailles.
    Ca porte un nom: c’est de la terreur!…. Bien connue des mafias en tout genre. Et là, c’est de la terreur d’état!….

    En 68, où il y a eu des affrontements très durs pendant tout le mois de mai, où les contestataires étaient quand même violents puisqu’ils balançaient des pavés de Paris sur la gueule des flics, il n’y a « qu’un » mort (C’en est un de trop, on est d’accord!…) et, autant que je le sache (Je n’habitais pas à Paris, et je ne suivais que par la radio) les flics n’avaient guère que la matraque et les grenades lacrymogènes pour riposter. Ont-ils utilisé en 68 des grenades offensives comme plus tard à Creil Malleville ou récemment à Sivens (tuant Rémi, comme on le sait) je ne pourrai pas le dire, mais ça ne semble pas avoir été le cas.
    En tout cas, aujourd’hui, même face à une manifestation totalement non violente, ils ont déjà à la main ou à la ceinture, tout prêts à être utilisé, les flash balls et les teasers qui sont, comme vous le savez, des armes offensives hyper dangereuses, la seconde étant potentiellement mortelle.
    Or ces 2 armes, réglementairement parlant, sont réservées, pour la 1ère au dés-encerclement d’un groupe de policiers dont la sécurité physique serait en jeu, et pour le seconde à la maîtrise d’un forcené devenu incontrôlable et capable d’actes dangereux…..
    Or, de fait, ces armes sont devenues des moyens de dissuasion. En témoigne le LBD pointé sur les squatteurs réfugiés sur le toit….A Sivens, ça a été pareil avec ceux qui étaient montés dans les arbres pour en empêcher l’abattage.

    D’un côté, c’est le signe que ce monde de nantis et de « tout puissants » que nous contestons est bien une société aux abois, que son recours à la violence est un aveu de faiblesse, ce qui serait plutôt de bon augure, finalement!…
    Mais d’un autre côté, c’est aussi le signe que les temps qui viennent vont être très durs. Ils le sont déjà, et n’auront peut-être rien à envier à ce qui s’est passé en France (et ailleurs, bien sûr!…) sous l’occupation allemande entre 1940 et 1944…
    Je n’en conclus pas pour autant qu’il faille répondre à la violence par la violence. Comme le dit, dans le film « Rangoon », inspiré d’événements réels entre la junte militaire birmane et la société civile de ce pays, un professeur d’université bouddhiste à ses étudiants qui commencent à tabasser un des soldats du régime (qui l’aurait bien mérité, soit dit en passant!…): « Arrêtez!….Sinon, vous allez devenir comme eux!…
    Et ça, je pense que ce serait le pire!…

    Ceci dit, avec l’évolution actuelle, orchestré par des Valls ou des Macron, je pense qu’il faut savoir à quoi s’en tenir. Eviter de justifier la pure vengeance et la violence contre des personnes. Bien entendu. Mais ne pas avoir peur de saboter du matériel le cas échéant!… Plus ça va, et plus ceux qui sont en face de nous sont cyniques et sans scrupule. Alors!…

    Je peux vous dire que le 22 février 2014, à Nantes, quand j’ai vu la boutique de Vinci éventrée, béante et fumante, alors que les magasins juste à côté étaient parfaitement intacts, et bien j’étais drôlement content!…Je jubilais, même!…Même chose quand j’ai vu un quart d’heure plus tard quelques engins de chantiers sous traités par Vinci en train de brûler.
    Et j’en profite pour répondre au texte « vengeur » transmis par Léo: les casseurs qui tombent dans le panneau et n’ont qu’une obsession, c’est de se friter avec « les bleus », c’est stérile, contre productif, et ça fait le jeu des médias à la solde du gouvernement.
    Des autonomes, ou blacks bloks, comme j’en ai vus, toujours à Nantes le même jour, en train de marteler la façade de l’agence locale de la SNCF, impliquée à fond dans la construction du TAV du Val de Susa, alors que 10 cm plus loin (Je dis bien: 10 centimètres!…) ils ne touchaient à rien, et bien là je dis: « Pourquoi pas »?….
    Le pb, c’est de ne pas tomber dans le panneau des provocs policières ou, plutôt, préfectorales et gouvernementales.
    La ligne de démarcation entre les 2 n’est pas toujours facile à discerner…

    Et il ne faut pas oublier que « radical », qui va à la racine (du mal), ne doit pas se confondre avec « extrémiste » qui prend le risque, lui, d’aller trop loin, et de commettre des abus qui, de toute façon, ne le serviront pas dans l’opinion publique.

  5. Autre extrait, cette fois du livre « À nos amis », du comité invisible… je le recopie pour vous… (si le livre existe en pdf, je suis preneur, je viens de mettre 34min à recopier, j’espère que les 2min de lecture vous seront utiles…)

    (extraits des pages 165 à 169)

    « Lorsque la répression la plus aveugle s’abat sur nous, gardons-nous donc d’y voir la preuve enfin établie de notre radicalité. Ne croyons pas que l’on cherche à nous détruire. Partons plutôt de l’hypothèse que l’on cherche à nous produire. À nous produire en tant qu' »anarchistes », en tant que « Black Block », en tant qu' »anti-systèmes », à nous extraire de la population générique en nous fichant une identité politique. Quand la répression nous frappe, commençons par ne pas nous prendre pour nous-mêmes, dissolvons le sujet-terroriste fantasmatique que les théoriciens de la contre-insurrection se donnent tant de mal à imiter ; sujet-terroriste qui sert surtout à produire par contrecoup la « population », la population comme amas apathique et apolitique, masse immature bonne tout juste à être gouvernée, à satisfaire ses cris du ventre et ses rêves de consommation.

    Les révolutionnaires n’ont pas à convertir la « population » depuis l’extériorité creuse d’on ne sait quel « projet de société ». Ils et elles doivent plutôt partir de leur propre présence, des lieux qu’ils habitent, des territoires qui leur sont familiers, des liens qui les unissent à ce qui se trame autour d’eux. C’est de la vie qu’émanent l’identification de l’ennemi, les stratégies et les tactiques efficaces, et non d’une profession de foi préalable.

    La logique de l’accroissement de puissance, voilà tout ce que l’on peut opposer à celle de la prise de pouvoir. Habiter pleinement, voilà tout ce que l’on peut opposer au paradigme de gouvernement. On peut se jeter sur l’appareil d’État ; si le terrain gagné n’est pas immédiatement rempli d’une vie nouvelle, le gouvernement finira par le s’en ressaisir.

    Raul Zibechi écrit au sujet de l’insurrection aymara d’El Alto en Bolivie en 2003 : « Des actions de cette envergure ne pourraient être menées sans l’existence d’un réseau dense de relations entre les personnes, relations qui sont elles-mêmes des formes d’organisation. Le problème est que nous ne sommes pas disposés à considérer que les relations de voisinage, d’amitié, de camaraderie, de famille, qui se forgent dans la vie quotidienne, sont des organisations au même niveau que le syndicat, le parti, et même l’État. (…)
    Dans la culture occidentale, les relations créées par contrat, codifiées à travers les accords formels, sont souvent plus importantes que les loyautés tissées par des liens affectifs. »

    Nous devons accorder aux détails les plus quotidiens, les plus infimes de notre vie commune le même soin que nous accordons à la révolution. Car l’insurrection est le déplacement sur un terrain offensif de cette organisation qui n’en est pas une, n’étant pas détachable de la vie ordinaire. Elle est un saut qualitatif au sein de l’élément éthique, non la rupture enfin consommée avec le quotidien.

    Zibechi continue ainsi : « Les organes qui soutiennent le soulèvement sont les mêmes que ceux qui soutiennent la vie collective quotidienne. La rotation et l’obligation qui règlent la vie quotidienne règlent de la même façon le bocage des routes et des rues »

    Ainsi se dissout la distinction stérile entre spontanéité et organisation. Il n’y a pas d’un coté une sphère pré-politique, irréfléchie, « spontanée » de l’existence et de l’autre une sphère politique, rationnelle, organisée. Qui a des rapports de merde ne peut mener qu’une politique de merde.

    (…) Assumer le conflit interne lorsqu’il se présente de lui-même n’entrave en rien l’élaboration d’une stratégie insurrectionnelle. C’est au contraire, pour un mouvement, la meilleure manière de rester vivant, de maintenir, ouvertes les questions essentielles, d’opérer à temps les déplacements nécessaires. Mais si nous acceptons la guerre civile, y compris entre nous, ce n’est pas seulement parce que cela constitue en soi une bonne stratégie pour mettre en déroute les offensives impériales? C’est aussi et surtout parce qu’elle est compatible avec l’idée que nous nous faisons de la vie. En effet, si être révolutionnaire implique de s’attacher à certaines vérités, il découle de l’irréductible pluralité de celles-ci que notre parti ne connaitra jamais une paisible unité. En matière d’organisation, il n’y a donc pas à choisir entre la paix fraternelle et la guerre fratricide. Il y a choisir entre les formes d’affrontements internes qui renforcent les révolutions et celles qui les entravent.
    À la question « votre idée du bonheur? », Marx répondait « Combattre »
    À la question « pourquoi vous battez vous ? », nous répondons qu’il en va de notre idée du bonheur.

    Voilà pour aujourd’hui… le chapitre suivant s’intitule « notre seule patrie : l’enfance », composé de trois sous parties intitulées
    1. Qu’il n’y a pas de « société » à défendre ni à détruire.
    2. Qu’il y a à retourner la sélection en sécession
    3. Qu’il n’y a pas de « luttes locales », mais une guerre des mondes…

    inutile de dire que plus que jamais, je vous conseille la lecture du comité invisible…

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